Décembre 2021 – Un invité « surprise » pour Thanksgiving !

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Par

Sabahudin Softic

Fondé de pouvoir | Conseiller institutionnel

En cette fin de mois de novembre, presque tout le monde se montrait confiant quant aux dernières semaines qui restaient pour terminer cette année boursière exceptionnelle à plus d’un titre. Au vu de la tendance que l’on avait observée jusqu’ici, les marchés semblaient bien partis pour terminer l’année sur des nouveaux plus hauts historiques.

La Réserve fédérale américaine (FED) avait enclenché son plan de réduction d’achats d’actifs et Jérôme Powell avait officiellement été renommé pour un mandat de quatre ans à la tête de la FED. Les marchés avaient bien pris ces nouvelles et tout semblait sous contrôle.

La dernière semaine complète du mois devait être calme, avec la fermeture partielle des marchés américains, en raison de la traditionnelle fête nationale américaine de Thanksgiving qui a lieu, comme chaque année, lors du dernier jeudi de novembre.

Pour l’anecdote, les Américains ont eu un thanksgiving amer cette année. Selon un sondage de l’« American Farm Bureau Federation », le coût moyen du traditionnel dîner, dont la pièce maîtresse est la fameuse dinde, a atteint son plus haut historique, avec une hausse de 14% sur 12 mois.

Certains responsables de la FED ont recommandé à leurs concitoyens de se passer de la dinde pour la remplacer par des produits à base de soja pour faire face à l’inflation en grande partie provoquée par la FED elle-même.

« Une portion de volaille pour le dîner de Thanksgiving coûte 1,42 dollar. Une portion de dîner à base de soja avec la même quantité de calories coûte 66 cents et fournit presque deux fois plus de protéines », a déclaré le compte Twitter de la Fed de Saint-Louis.

Le 25 novembre, les marchés financiers américains sont donc restés fermés, et le vendredi qui a suivi n’ont ouvert que partiellement. Durant cette période, les échanges se font généralement sur peu de volume, un peu partout dans le Monde, car les États-Unis restent encore à ce jour le plus grand marché de capitaux de la planète.

C’était sans compter sur un invité « surprise ». Le fameux nouveau variant du Covid-19, « Omicron », qui apparemment nous viendrait, cette fois-ci, d’Afrique du Sud, et serait, d’après les données dont on disposait à ce moment-là, encore plus contagieux que tous les variants qui l’ont précédé. Cela a immédiatement eu pour effet de totalement chambouler l’entier des marchés financiers mondiaux sur craintes de nouveaux lockdowns généralisés.

Malgré cette baisse panique éclair, sur l’entier du mois, l’indice des actions mondiales (MSCI All Countries Index) n’aura abandonné que de 2,01% (en CHF). Sans surprise, les valeurs refuges se sont un petit peu mieux tenues, avec une hausse des obligations internationales (FTSE World Goverrnment Bond Index) de 1,20% (en CHF) et une hausse des cours de l’or (LBMA Gold Price Index) de 2,38% (en CHF).

Finalement, ce sont les matières premières qui ont été la principale victime de la soudaine panique des marchés financiers, avec une baisse de 7,53% (en CHF) pour le Rogers International Commodity Index TR. D’ailleurs, c’est principalement la composante énergie de l’indice qui est responsable de cette importante baisse, avec une chute de 17,10% (en CHF).

Ce dernier point est néanmoins en grande partie dû à des décisions politiques qui ont été prises quelques jours auparavant. En effet, l’administration américaine, de concert avec plusieurs autres pays, a décidé de vendre une partie de ses stocks stratégiques de pétrole, dans le but affiché de calmer la hausse continue des cours depuis le début de l’année. Il est à relever que les réserves stratégiques américaines sont déjà à des niveaux historiquement bas.

Les Américains sont de plus en plus nombreux à accuser l’administration Biden d’être responsable de la hausse continue de l’inflation et plus particulièrement des prix de l’énergie. Dans la mesure où les élections de mi-mandat auront lieu l’année prochaine, l’actuelle administration américaine cherche à ne pas se mettre à dos les potentiels électeurs. Si l’actuelle baisse se maintien, la composante énergie de l’inflation devrait un petit peu se tasser sur les prochains mois.

En revanche, la spirale inflationniste aux États-Unis semble déjà s’être enclenchée. John Deere, le plus grand fabricant, américain et mondial, de machines agricoles, vient de trouver un accord avec le syndicat représentant ses plus de 10’000 employés, après 5 semaines de grève. L’accord prévoit que les salaires doivent augmenter de 20% sur les 6 prochaines années, dont 10% immédiatement. De plus, le contrat prévoit désormais une close d’ajustement automatique des salaires à l’inflation. Pour tenir compte de cette hausse, il est clair que John Deere, aussi bien que d’autres entreprises vont devoir fortement ajuster les prix de leurs produits à la hausse pour l’année prochaine. Après l’inflation liée aux cours de l’énergie, c’est la composante salaires qui risque de prendre l’ascenseur dès l’année prochaine.

Jérôme Powell ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Lors d’une audition devant le Congrès américain, le 30 novembre 2021, il a indiqué qu’il était temps d’arrêter d’utiliser le terme « transitoire », qu’il a constamment utilisé depuis le début de l’année, pour qualifier la hausse continue de l’inflation depuis quelques mois.

Du côté de l’Europe, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Mme Lagarde, continue en revanche à insister sur le fait qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur l’inflation. Un fait cocasse est que, IPSO, le syndicat des employés de la BCE (plus de 50’000 employés – ndlr bien 50’000) a exigé une hausse substantielle des salaires pour faire face à la hausse continue de l’inflation.

Pour terminer en légèreté, indiquons enfin que le tabloïd allemand Bild a trouvé un nouveau surnom pour Madame Lagarde, « Madame Inflation ».

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