Trump souffle le chaud et le froid

Photo of author

Par

Sabahudin Softic

Fondé de pouvoir | Conseiller institutionnel

Les États influent sur l’économie au travers des politiques fiscales et monétaires. Alors que du côté fiscal il y a beaucoup d’agitation, du côté monétaire c’est actuellement beaucoup plus calme.

Depuis le début de l’année, la politique fiscale est fortement mise en avant par plusieurs pays, États-Unis en tête. Cela dit, pour le moment l’administration américaine souffle le chaud et le froid à ce sujet. En effet, le fameux projet de dépenses de Donald Trump, intitulé « Big Beautiful Bill » (littéralement : Grand, Beau projet de loi) incluant aussi bien des dépenses supplémentaires que des baisses d’impôts, adopté par le Congrès américain début juillet, est contrebalancé par la mise en place de droits de douane. Donald Trump s’est réjoui publiquement des dizaines de milliards de dollars déjà collectés par les autorités avec l’entrée en vigueur progressive des divers « tarifs ».

Bien que le président américain insiste sur le fait que ces derniers sont payés par les pays exportateurs, il s’agit bien d’impôts à l’importation dont doivent s’acquitter les Américains eux-mêmes. Le secrétaire américain au trésor, Scott Bessent, l’a d’ailleurs explicitement admis lors d’une récente interview sur la chaine de télévision américaine CNBC. À la question d’un journaliste qui lui demande ce qu’il se passe concrètement lorsqu’un produit importé arrive sur le sol américain, il répond : « c’est l’importateur qui fait le chèque ». Il explique ensuite que l’importateur a le choix de « transférer » le coût au consommateur dans le prix de vente final, ou alors de l’absorber en baissant sa marge.

Le seul moyen pour que l’exportateur paye est qu’il baisse son prix de vente initial en tenant compte du droit de douane dont l’importateur devra s’acquitter. En pratique, c’est probablement un mix de ces divers éléments qui sera appliqué. Mais dans tous les cas, une hausse indirecte d’impôt sur le consommateur américain semble inévitable à terme. Cela dit, plus un droit de douane est élevé sur un produit donné, moins la demande pour ce produit sera forte, ce qui impacte bien l’exportateur sur ses volumes de vente. Finalement, tout le monde y perd. Cela aura au moins le mérite de limiter la hausse continuelle de la dette américaine.

Pour le moment, le marché réagit avec un certain calme quant aux résultats des divers accords trouvés entre l’administration Trump et les pays partenaires concernant les niveaux des droits de douane. Le principal motif de ce soulagement est que ces derniers sont en moyenne nettement plus bas que ce qui avait été annoncé début avril et avait fait tanguer les bourses. Il y a tout de même quelques exceptions à cela. La Suisse étant malheureusement parmi les pays dont les produits auront finalement un taux à l’importation aux États-Unis plus élevé qu’annoncé début avril. Les entreprises concernées devraient voir les volumes de vente baisser vers ce pays spécifiquement. Le marché suisse des actions a relativement bien réagi à cette mauvaise nouvelle, en pariant sur la capacité des entreprises à s’adapter.

Un autre élément qui permet aux marchés de rester relativement serein est que, à l’instar des États-Unis, d’autres pays ont également annoncé des hausses de dépenses qui permettront de soutenir l’économie sur le court à moyen terme, au détriment néanmoins de dettes qui continueront à s’accumuler.

Alors que la plupart des banques centrales ont baissé quelque peu leur taux directeur, et ainsi participé à soutenir l’économie par le volet monétaire, la Réserve fédérale américaine (FED) n’a pas encore eu l’occasion de baisser le sien cette année. Le président de la FED, Jérôme Powell, invoquant l’imposition des droits de douane comme le principal frein à un assouplissement monétaire. Il dit s’inquiéter des effets que cela risque d’avoir sur l’inflation. Donald Trump en est très mécontent et a appelé à plusieurs reprises à une démission immédiate de Powell afin qu’il puisse nommer quelqu’un de plus « coopératif » à la tête de l’Institut. L’actuel mandat de Monsieur Powell n’expire qu’en mai 2026 et il a fait comprendre qu’il ne souhaite pas partir avant.

Ces prochains mois, tous les yeux seront rivés sur l’indicateur d’inflation américain afin d’y détecter d’éventuels effets négatifs ou non quant à l’imposition progressive des divers droits de douane. En fonction de l’évolution de l’inflation, on pourra avoir plus de visibilité sur le volet monétaire de la politique économique américaine. Pour rappel, l’objectif de la FED est une inflation annuelle de 2%, et pour le moment cela reste sensiblement au-dessus…

Télécharger

Langues