Septembre 2023 – Entre évolution et révolution géopolitique

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Par

Sabahudin Softic

Fondé de pouvoir | Conseiller institutionnel

Du 22 au 24 août 2023 a eu lieu le 15ème sommet des « BRICS » à Johannesburg, en Afrique du Sud. En plus des membres officiels, un vaste nombre de pays observateurs a été invité, mais aucun pays du bloc occidental. La France, qui avait fait savoir publiquement par le biais de son président, Emmanuel Macron, qu’elle souhaitait officiellement assister à la Conférence, s’est vue refuser la participation.


Cette organisation de pays émergents, que certains voient comme une sorte d’opposition aux pays occidentaux, a pris de plus en plus d’importance ces dernières années. L’acronyme « BRICS », initialement « BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine), est apparu pour la première fois en 2001 dans une note de Jim O’Neill, économiste de la banque d’investissement Goldman Sachs. À l’époque, la banque estimait que le PIB total des « BRIC » devrait égaler en 2040 celui du G6 (les États-Unis, l’Allemagne, le Japon, la France, le Royaume-Uni et l’Italie). Ce qui, au départ, était une idée d’investissement est devenu une sorte de club diplomatique du type G7 (G6 + Canada). En effet, en 2009 les pays du BRIC organisent leur premier sommet à l’Ekaterinbourg, en Russie. En 2011, le club s’élargit en accueillant l’Afrique du Sud et devient « BRICS » (le S étant pour South Africa en anglais).


Nous devrions permettre à davantage de pays de rejoindre la famille des BRICS afin de mettre en commun leur sagesse et leurs efforts pour rendre la gouvernance mondiale plus juste et plus équitable.
Xi Jinping, président chinois


Le sommet 2023 a été particulièrement important, car il a été l’occasion de l’annonce d’un vaste élargissement à venir des pays membres. Les nouveaux adhérents feront passer le nombre de partenaires de 5 à 11, avec l’ajout de l’Iran, de l’Arabie-Saoudite, de l’Argentine, de l’Égypte, de l’Éthiopie et des Émirats arabes unis. L’acronyme « BRICS » devrait néanmoins rester ou tout au plus se transformer en « BRICS+ ».

Sur bien des points, tout oppose ces différents pays : la taille, la langue, les vues sociétales, les intérêts géopolitiques, etc. Les membres de ce club semblent pourtant s’entendre sur quelques principes simples, plus ou moins tacitement admis, qui leur permettent de maintenir une certaine cohésion. À savoir, pas d’ingérence dans les affaires politiques intérieures des uns et des autres, pas d’adhésion à une coalition politique ou militaire occidentale (l’OTAN ou l’Union européenne par exemple) et bien sûr pas d’hostilité militaire ou économique entre les membres.


Cette vision s’illustre dans la réponse au conflit entre la Russie et l’Ukraine. Alors que le G7 a condamné l’attaque et imposé des sanctions strictes à la Russie, tout en soutenant l’Ukraine, financièrement et militairement dans sa lutte, aucun des membres des BRICS ne s’est joint aux sanctions.


BRICS+ vs G7
« Nous ne voulons pas être une opposition au G7, au G20 ou aux États-Unis… Nous voulons simplement nous organiser. »
Lula Da Silva, président du Brésil


Cette déclaration du président Lula, lors du sommet 2023 des BRICS, efface l’ambiguïté qui pourrait exister quant à une supposée hostilité de l’organisation envers les pays occidentaux. Néanmoins, il s’agit tout de même d’un bloc qui s’organise pour défendre ses intérêts et on ne peut pas échapper à la comparaison et aux parallèles avec le G7.


C’est ainsi qu’on peut constater que les BRICS+ auront un poids économique et financier comparable au G7, avec néanmoins beaucoup plus de dettes pour ce dernier :

Il faut également ajouter à cela que les 11 nations du BRICS + représentent la moitié de la population mondiale, équivalente à environ 3,9 milliards d’habitants. Cette nouvelle alliance élargie a six des dix plus grands producteurs de pétrole mondiaux et contrôlera 38% de la production de gaz, 60% des exportations de pétrole et 67% de la production de charbon.


Pendant ce temps-là à Jackson Hole
Les évènements de ce mois d’août en Afrique du Sud ont le potentiel d’amener de grandes évolutions dans le fonctionnement économique mondial sur le long terme, mais concernant le court terme c’est de l’autre côté de l’Atlantique qu’il faut se rendre. En effet, le symposium des banquiers centraux, organisés par la Réserve fédérale américaine (FED), réunissant chaque année des banquiers centraux du monde entier à Jackson Hole, aux États-Unis, a eu lieu du 24 au 26 août 2023.


Au-delà de passer quelques jours entre confrères ces derniers prononcent divers discours scrutés par les marchés, car ils peuvent donner des indications quant aux politiques monétaires à venir. Un des plus attendus était bien sûr la conférence donnée par Jérôme Powell, président de la FED. Les marchés espéraient que Monsieur Powell donnerait enfin des indications quant à une fin prochaine du resserrement monétaire, voire le début à venir d’un éventuel assouplissement. Il n’en a rien été, puisqu’il a une nouvelle fois réitéré sa volonté de poursuivre une politique monétaire restrictive afin de juguler une inflation qui continue à être trop élevée. Pour illustrer cela, ous reprenons quelques extraits de son discours à Jackson Hole :


« Cette année, mes remarques seront un peu plus longues, mais le message est le même. (…) Bien que l’inflation ait baissé par rapport à son pic, elle reste trop élevée. Nous
sommes prêts à relever encore les taux si nécessaire. (…) Pour ramener durablement l’inflation à 2%, il faudra sans doute une période de croissance économique inférieure à la tendance et un certain assouplissement des conditions du marché du travail. »

Fait intéressant, il n’a pas fait mention dans son discours de la dégradation de la notation de crédit des États-Unis par l’agence Fitch intervenue en début du mois d’août, la faisant
passer de AAA à AA+. L’agence Fitch est ainsi la deuxième des trois grandes agences de notations, après Standard and Poor’s en 2011, à abaisser la note de crédit américaine. Selon
Fitch, ce qui les a motivés à dégrader la note est : « une détérioration constante des normes de gouvernance au cours des 20 dernières années, y compris en matière de fiscalité et de dette, malgré l’accord bipartisan de juin visant à suspendre la limite de la dette jusqu’en janvier 2025 ».

Situation sur les marchés
Pour finir sur le temps court, on peut enfin noter que les marchés actions ont connu une correction, bien que relativement limitée, sur le mois d’août, avec une baisse de 1,53% pour l’indice monde (MSCI World All Countries Index, en CHF, source Refinitiv). En revanche, les cours des matières premières ont poursuivi leur hausse, pour le 3ème mois d’affilé, en montant de 1,48% (Rogers Commodity Index, en CHF, source Refinitiv).


Les classes d’actifs défensives terminent le mois d’août avec une hausse de 1,92% pour l’or (LBMA Gold Price, en CHF, source Investing.com), et de 0,48% pour les obligations internationales (FTSE World Government Bond Index, en CHF, source Refinitiv).