Sell in may and go away!

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Par

Sabahudin Softic

Fondé de pouvoir | Conseiller institutionnel

Beaucoup d’investisseurs doivent s’en vouloir de ne pas avoir suivi le célèbre adage boursier disant qu’il faudrait vendre son portefeuille d’actions au mois de mai. En effet, durant le mois écoulé, la plupart des indices actions ont nettement baissé. Exprimés en CHF, le marché américain a chuté de 7,90%, le marché européen de 7,04% et les marchés émergents, pris dans leur ensemble, de 8,76%. Les actions suisses ont mieux résisté, avec une baisse moins prononcée, de seulement 1,62% sur le mois.

Cette importante correction boursière intervient juste après que la plupart des indices aient atteint de nouveaux plus historiques, et que la confiance était au plus haut. Le souvenir du stress ressenti sur les marchés en fin d’année passée commençait à s’estomper, les indices de confiance des consommateurs repartaient à la hausse et la progression de 3,2% du PIB américain sur le premier était globalement très rassurante.

L’élément déclencheur de la baisse des marchés a clairement été la montée en puissance des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, et peut-être même plus largement entre les États-Unis et le Monde.

En réalité, cela fait déjà depuis l’année passée que ces tensions étaient présentes, mais ne semblaient pas inquiéter les investisseurs outre mesure. Durant ce mois de mai, les choses ont pris une tournure plus sérieuse. Les négociations entre les deux puissances n’avancent pas et le président américain est furieux.

Le 10 mai, les États-Unis ont décidé d’augmenter une nouvelle fois les tarifs imposés sur l’importation de USD 200 milliards de produits chinois, les faisant passer de 10% à 25%.

Suite à cela, la Chine a annoncé que des mesures de représailles seront prises. Quelques jours après, un tweet du Global Times (journal proche du parti communiste chinois) nous apprenait les représailles envisagées, puis finalement prises.

Concernant les tarifs chinois, ils vont s’échelonner entre 5% et 25% selon les produits et services concernés. Mais on constate qu’au-delà des tarifs, les représailles risquent de prendre d’autres formes.

Les positions entre les deux États semblent difficilement conciliables à court terme et elles vont potentiellement monter en puissance. C’est du moins ce qui semble inquiéter les marchés.

Les critiques américaines peuvent à premier abord sembler justifiées. Après tout, les Américains vendent beaucoup moins de produits et services à la Chine que l’inverse, et ce depuis de nombreuses années. La Chine est accusée de mener une politique mercantiliste, avec une stratégie systématique d’accumulation d’excédents commerciaux.

Cette accusation n’est cependant pas tout à fait correcte. L’excédent commercial chinois provient principalement de ses échanges avec les États-Unis et il est effectivement important, mais la Chine a des déficits commerciaux avec beaucoup d’autres pays, tels que l’Allemagne, le Japon, l’Australie et la Suisse pour n’en citer que quelques-uns.

Personne n’accuse la Suisse d’être une puissance mercantiliste cherchant à prendre avantage commercialement d’autres pays. Pourtant la Confédération affiche des excédents commerciaux massifs, année après année. Ceci provient du fait que l’économie helvétique a une meilleure productivité que le reste du Monde.

Pour la Chine c’est pareil. En réalité, le problème viendrait plutôt des États-Unis. Si la Chine n’achète pas autant de produits américains, que les Américains n’achètent de produits chinois, c’est principalement en raison du fait que les Américains ne semblent pas avoir suffisamment de produits à exporter, susceptibles d’intéresser l’économie chinoise. Après tout, comme on vient de le mentionner, la Chine a des déficits commerciaux avec les pays qui ont des produits et services qui intéressent les Chinois. De plus, outre les avions de Boeing, une grande partie des exportations américaines vers la Chine sont des produits agricoles, qui sont à faible valeur ajoutée. Ceci ne semble bien sûr pas être le point de vue de l’administration américaine.

Un autre élément intéressant est que suite à la mise en place de la première série de tarifs américains en fin d’année passée, une partie des importations américaines sont simplement passées de la Chine au reste du Monde. La mise en place des tarifs n’a donc que peu d’impact sur le déficit commercial global américain.

À ce stade, la stratégie des tarifs ne semble donc pas fonctionner.

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