Mars 2022 – Onde de choc géopolitique !

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Par

Sabahudin Softic

Fondé de pouvoir | Conseiller institutionnel

Les événements de ce mois de février 2022 marquent peut-être un tournant majeur dans l’Histoire moderne du Monde.

L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe a créé une véritable onde de choc géopolitique. L’invasion militaire russe est totalement inexcusable. Peu importe les raisons invoquées par la Russie concernant cette décision, on ne peut pas imaginer qu’une solution pacifique au conflit était impossible. Cela dit, cette guerre n’a pas juste éclaté du jour au lendemain sans aucune explication possible. Sans prendre parti, et pour bien comprendre ce qui a amené à cette terrible situation, il faut revenir quelques années en arrière.

Il existe des tensions importantes entre la Russie et l’Ukraine depuis la fin de l’URSS, ce en raison d’importantes divergences de vues politiques au sein de l’Ukraine. Une partie de la population (ukrainophone), en majorité située à l’ouest du pays, est pro-occidentale et cherche à se rapprocher politi-quement de l’Occident (Union européenne et organisation militaire de l’OTAN notamment) depuis de nombreuses an-nées. Une autre partie de la population (majoritairement russophone), située principalement dans des territoires à l’est de l’Ukraine se sent plus proche de la Russie.

Cet état de fait a été fortement illustré lors des élections de 2010. Tout d’abord, l’élection avait été très serrée. Monsieur Viktor Janukovych, considéré comme plutôt pro-russe, avait obtenu 48,95% des voies, tandis que, Madame Loulia Tymoshenko, considérée comme plutôt pro-occidentale, avait ob-tenu 45,47% des voies. Cette division entre les sensibilités politiques des électeurs avait été encore plus flagrante au niveau de la répartition géographique. Comme on peut le constater sur le graphique ci-après, la partie est du pays avait largement voté pour Monsieur Yanukovych, tandis que la partie ouest du pays avait massivement voté pour Madame Tymoshenko.

Ces tensions sont montées d’un cran à partir de 2014. À l’époque, le président Viktor Janoukovytch, considéré comme pro-russe, et qui avait été élu en 2010, a été forcé de quitter le pouvoir à la suite de nombreuses manifestations de contestation, parfois sanglantes, principalement à Kiev, dans la capitale du pays. Les Ukrainiens de l’est ont très mal pris ce départ forcé du président pour lequel ils avaient en majorité voté.

Certaines de ces régions pro-russes ont alors annoncé leur sécession de l’Ukraine. Il s’agit de la Crimée, de Lougansk et de Donetsk. Chacune de ces trois régions aurait demandé à être intégrée à la Russie en 2014. Mais seule la Crimée avait été annexée.

Suite à l’annexion de la Crimée, de nombreuses sanctions économiques (principalement par les États-Unis et l’Europe) avaient alors été prises contre la Russie. De plus, les régions de Lougansk et de Donetsk, qui se sont autoproclamées républiques, sont restées en conflit militaire avec l’État central ukrainien qui n’avait de fait plus de contrôle sur elles. Depuis 2014, il semblerait que les Américains aient alimenté en armes et autres moyens économiques l’État ukrainien, tandis que la Russie aurait fait de même avec les régions séparatistes. Les tensions entre la Russie et l’Ukraine sont restées fortes depuis lors.

Après de nouvelles hausses des tensions sur le terrain depuis plusieurs semaines, de nombreuses tentatives ont été faites de part et d’autre pour tenter de trouver une issue diplomatique. Mais le lundi 21 février 2022, la Russie a annoncé reconnaitre les deux régions séparatistes pro-russes, Lougansk et Donetsk. Le président russe, Vladimir Poutine a également annoncé que la Russie se portait garante de la sécurité de ces deux nou-velles républiques. Puis, le 24 février 2022, la Russie a fait Suite à l’annexion de la Crimée, de nombreuses sanctions économiques (principalement par les États-Unis et l’Europe) avaient alors été prises contre la Russie. De plus, les régions de Lougansk et de Donetsk, qui se sont autoproclamées répu-bliques, sont restées en conflit militaire avec l’État central ukrainien qui n’avait de fait plus de contrôle sur elles. Depuis 2014, il semblerait que les Américains aient alimenté en armes et autres moyens économiques l’État ukrainien, tandis que la Russie aurait fait de même avec les régions séparatistes. Les tensions entre la Russie et l’Ukraine sont restées fortes de-puis lors.

Après de nouvelles hausses des tensions sur le terrain depuis plusieurs semaines, de nombreuses tentatives ont été faites de part et d’autre pour tenter de trouver une issue diplomatique. Mais le lundi 21 février 2022, la Russie a annoncé reconnaitre les deux régions séparatistes pro-russes, Lougansk et Donetsk. Le président russe, Vladimir Poutine a également annoncé que la Russie se portait garante de la sécurité de ces deux nouvelles républiques. Puis, le 24 février 2022, la Russie a fait l’impensable en lançant une vaste offensive armée, qui est toujours en cours, contre l’entier de l’État ukrainien. La prési-dence russe a annoncé que cette offensive armée avait pour but de démilitariser l’Ukraine, mais les pays occidentaux estiment qu’une invasion totale serait en cours. La situation est changeante et il faudra plusieurs semaines, voire mois pour y voir plus clair.

Sans surprise, les marchés financiers ont réagi négativement à l’invasion russe. Mais au-delà des conséquences humaines tragiques, il est cependant important de relativiser la situation du point de vue de l’impact économique et financier au niveau mondial. En effet, de nombreux conflits armés d’importance, ayant pour protagoniste les Américains, les Russes et parfois les deux, face à des États de moindre importance, mais soutenue indirectement soit par les États-Unis, soit par la Russie, ont eu lieu ces dernières années (la Serbie en 1999, la Tchétchénie en 1999, l’Afghanistan en 2002, l’Irak en 2003, la Libye en 2011, la Syrie en 2013, le Yémen depuis 2014). Ces conflits, faisant malheureusement à chaque fois de nombreux morts, ont finalement assez peu d’impacts sur les économies et les marchés financiers mondiaux.

La situation actuelle ne devrait pas déroger à la règle, du moins sur le court à moyen terme. En effet, l’Ukraine ne faisant pas actuellement partie ni de l’OTAN ni de l’Union européenne, cela ne va pas forcer ces derniers à commencer un conflit armé frontal avec la Russie. Aussi bien les États-Unis que l’Union européenne ont annoncé qu’ils vont aider l’Ukraine en leur envoyant notamment du matériel militaire, mais qu’ils ne prendront pas part au conflit armé de manière directe.

Les principaux impacts économiques négatifs seront supportés par l’Ukraine (en raison du conflit armé notamment) et par la Russie (en raison principalement des lourdes sanctions économiques qui lui sont désormais imposées). Les marchés financiers ukrainiens ne représentent virtuellement rien au niveau mondial et les marchés financiers russes représentent une toute petite part des indices actions (un peu moins de 3% de l’indice des actions des marchés émergents). La dette étatique russe est quant à elle très faible, puisque la Russie est actuellement l’un des États les moins endettés au Monde. Même un défaut pur et simple n’aurait que très peu d’impact sur la fi-nance mondiale.

Dès lors, mis à part la panique de court terme, toute chose étant égale par ailleurs, les conséquences économiques et financières seront relativement faibles. Les actions mondiales (indice MSCI World net total return) sont en baisse de 6,94% depuis le début de l’année (en CHF, à fin février).

Cependant, dans la mesure où la Russie est un important producteur de matières premières, la situation en cours va accen-tuer la hausse déjà importante de ces dernières. Depuis le début de l’année, l’indice des matières premières, le Rogers International Commodity Index TR, est en hausse de 18,17% (en CHF, à fin février). Ceci rendra d’autant plus compliqué la gestion des tendances inflationniste en cours, par les banques centrales. Mais ceci ne change pas fondamentalement cette problématique à ce stade, bien que cela risque de l’accentuer.

Du coté des valeurs refuges, on constate une importante divergence entre les obligations internationales (FTSE World governement Bond index) qui baissent de 2,48% depuis le début de l’année (en CHF, à fin février), et font désormais de plus en plus douter quant leur capacité à servir de valeur refuge, et l’or (LBMA Gold Price Index) qui joue pleinement son rôle avec une hausse de 6,27% (en CHF, à fin février).

Le conflit armé qui se déroule actuellement en Ukraine risque d’amener d’importants changements géopolitiques sur le long terme, notamment en raison des sanctions historiques qui ont été prises à l’encontre de la Russie, principalement par les États-Unis et les pays européens (même la neutralité suisse n’y a pas résisté). Jamais un pays de l’importance de la Russie n’a été frappé de sanctions financières et économiques aussi puissantes en aussi peu de temps. Il aura fallu à peine trois jours pour que les « alliés » se mettent d’accord.

Parmi les éléments les plus significatifs de ces sanctions, il faut relever l’interdiction faite à la Russie d’utiliser le système de paiement Swift (utilisé pour une grande partie des transactions interbancaires au niveau mondial), mis à part pour les transactions liées aux ventes des matières premières. Une partie des avoirs de la banque centrale russe a également été gelée.

Certains s’inquiètent déjà des conséquences néfastes que cela pourrait avoir pour les « alliés » en poussant notamment la Russie à trouver d’autres solutions pour contrer les sanctions. Parmi certaines autres personnalités du monde financier, Jamie Dimon, le président de JP Morgan, une des plus grandes banques américaines, s’est publiquement inquiétée des effets néfastes que les sanctions pourraient avoir sur le long terme pour les États-Unis, en poussant de plus en plus de pays à se passer du dollar notamment.

En effet, les sanctions imposées à la Russie sont massives et largement suivies, mais elles sont néanmoins loin d’être unanimes. En effet, plusieurs grands pays, parmi lesquels on peut citer la Chine, l’Inde, le Mexique, le Pakistan ou la Turquie notamment s’opposent aux sanctions tout en continuant à appeler Moscou à trouver une issue pacifique au conflit. Parmi les éléments concrets, l’Inde a publiquement annoncé sa volonté de trouver des solutions permettant de commercer avec la Russie en se passant du dollar. Autre élément d’importance à relever est que la Russie et la Chine ont signé un accord pour la construction d’un nouveau gazoduc qui traversera la Mongolie et la Chine, permettant de transporter jusqu’à 50 milliards de mètres cubes de gaz par an. Cela représente l’équivalent de la quantité qui était censée être exportée par le gazoduc Nord Stream 2, dont la mise en service a été gelée par l’Allemagne, et qui devait venir augmenter les livraisons de gaz russe à l’Europe.

De nouvelles alliances économiques et financières risquent donc de se créer et ainsi diminuer l’influence américaine et européenne dans le Monde sur le long terme.