Septembre 2021 – Le cimetière des empires

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Par

Sabahudin Softic

Fondé de pouvoir | Conseiller institutionnel

Le thème du mois a clairement été la déroute américaine en Afghanistan. On ne peut dès lors pas l’occulter dans notre commentaire mensuel, même si son impact sur les marchés financiers semble à ce stade inexistant.

En octobre 2001, les Américains avaient entamé une intervention armée en Afghanistan pour capturer Ben Laden, instigateur des attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York. L’année passée, suivant presque 20 ans d’intervention, soit bien après que Ben Laden ait été tué en 2011 au Pakistan, les Américains avaient finalement annoncé un désengagement. En effet, l’administration Trump avait signé un accord avec les talibans. Ces derniers s’engageaient à ne pas attaquer les forces américaines encore présentes et, en contrepartie, les Américains s’engageaient à quitter le pays d’ici fin mai 2021.

L’administration Biden, qui a pris le relai en janvier de cette année, a finalement repoussé le retrait à juin, puis à août. En juillet, les talibans, perdant apparemment patience, ont commencé à prendre le contrôle du pays, ville après ville, pour finalement atteindre Kaboul au milieu du mois d’août. Il est vrai que le gros des forces américaines avait alors déjà quitté le pays et le projet était que l’armée afghane, entrainée et équipée par les Américains, soit en mesure de se défendre.

Il n’en a finalement rien été, puisque les talibans ont pu gagner presque sans combattre, car les soldats de l’armée afghane ont rapidement déserté leurs positions, laissant armes et autres équipements militaires aux mains de leurs adversaires. Même le président afghan a quitté le pays, emportant avec lui des dizaines de millions de dollars en cash selon certaines rumeurs. 20 ans après le début de l’intervention américaine, la situation revient donc à son point de départ, à savoir un contrôle du pays par les talibans. La seule différence de taille est que ces derniers sont désormais nettement mieux équipés grâce au matériel laissé par les Américains dans le pays.

Depuis longtemps déjà, l’Afghanistan est surnommé le cimetière des empires. Sans que cela ne représente nécessairement la principale raison de leurs déclins respectifs, des défaites militaires en Afghanistan ont marqué, tour à tour, l’apogée de deux grands empires qu’étaient l’Empire britannique, au 19ème siècle, puis l’Union soviétique (ou l’URSS) au 20ème siècle. On pourrait donc légitimement se demander si la déroute américaine ne marque pas l’apogée d’une certaine hégémonie américaine sur le Monde.

Dans tous les cas, la seule puissance qui serait en mesure d’éventuellement contester le titre de première puissance mondiale dans les années qui viennent, la Chine, n’a pas perdu de temps pour commencer à se positionner dans la région.

En effet, fin juillet déjà, alors que peu imaginaient encore la rapidité avec laquelle les talibans allaient reprendre le contrôle total de l’Afghanistan, une délégation talibane s’était rendue à Tianjin, une grande ville portuaire au sud de Pékin, où ils ont été reçus par des homologues chinois.

Il n’est pas entièrement clair quels sont les éléments exacts qui ont été discutés lors de cette réunion, mais les déclarations suivantes ont notamment été faites par les services du ministère chinois des affaires étrangères :
« La Chine compte jouer un rôle important dans le processus de réconciliation pacifique et de reconstruction en Afghanistan ». « La Chine a toujours adhéré à la noningérence dans les affaires intérieures de l’Afghanistan… L’Afghanistan appartient au peuple afghan, ce qui contraste fortement avec l’échec de la politique américaine en Afghanistan. »

L’influence américaine sur le monde n’a cependant pas dit son dernier mot. En effet, un autre élément important, mais d’une tout autre nature a été la réunion annuelle de Jackson Hole, aux États-Unis. Cette réunion est un symposium réunissant banquiers centraux, économistes, académiciens et autres participants des marchés financiers.

L’élément le plus attendu était le discours de Jérôme Powell, qui souffle régulièrement le chaud et le froid sur les marchés financiers, et dont la moindre déclaration peut faire monter ou descendre les marchés du Monde entier. Après plusieurs signaux ces dernières semaines laissant à penser que la Réserve fédérale américaine (FED) était sur le point de réduire son programme de rachat d’actif, Jérôme Powell a laissé entendre qu’il ne fallait pas se précipiter. Ceci a été interprété de manière positive par les marchés qui ont poursuivi leur hausse.

C’est ainsi que la majeure partie des indices actions ont terminé le mois en solide hausse, avec une appréciation de l’indice global (MSCI All countries world index) de +3,62% (en CHF). Même les marchés émergents, qui étaient un peu à la peine depuis le début de l’année, ont affiché une performance globalement positive de +3,70% (MSCI Emerging Net total return, en CHF).

Les valeurs refuges ont également réussi à grappiller quelques points de base sur le mois, avec une hausse de 0,46% (en CHF) pour l’or (LBMA Gold Price) et de 0,50% (en CHF) pour les obligations internationales (FTSE World Government Bond Index). Les matières premières (Rogers Commodity Index) ont connu un nouveau mois de consolidation (+0,08% en CHF).

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