Dix ans déjà !

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Par

Sabahudin Softic

Fondé de pouvoir | Conseiller institutionnel

Ce mois de mars a marqué l’anniversaire des 10 ans depuis la fin de la dernière crise économique et financière. Nous en profitions ici pour faire le point sur ce qui s’est passé sur cette décennie écoulée, et sur ce qui nous attend à futur.

Le point le plus bas des marchés actions avait été atteint en mars 2009. C’était à ce moment-là, qu’en pleine panique des marchés, alors que les baisses successives du taux directeur opérées les mois précédents n’avaient rien donné, que la Réserve fédérale américaine (FED), bientôt suivie par la plupart des autres banques centrales, avait lancé le « quantitative easing » ou « assouplissement quantitatif » en français. Ce terme, qui était à l’époque inédit dans le jargon financier, fait depuis partie du vocabulaire de toute personne touchant de près ou de loin au monde financier et parfois au-delà.

Quantitative Easing

Sous ce terme étrange se cache en réalité quelque chose de très simple, à savoir l’impression monétaire. La banque centrale crée des unités de devises supplémentaires, généralement de manière électronique, et rachète divers actifs financiers sur le marché. Cela se traduit par une hausse des bilans des banques centrales, comme illustré ci-dessous.

Pour le moment, et dans la plupart des cas, il s’agit d’obligations étatiques ou d’entreprises. Dans certains cas, des banques centrales ont également acheté des actions. Lors d’une intervention publique d’il y a quelques mois, Janet Yellen, la précédente directrice de la FED, avait même émis l’idée que les banques centrales pourraient, à futur, aller même jusqu’à acheter des stocks de matières premières si elles le jugeaient nécessaire.

Au moment du lancement du quantitative easing (ci-après QE), peu de personnes imaginaient qu’il faudrait les numéroter pour les différencier. Peter Schiff, un des rares économistes ayant compris que la FED allait enchaîner plusieurs de ces programmes QE, avait imagé cela en disant « Il y aura plus de QE que de suites au film Rocky ».

Pour ceux qui ne connaissent pas la célèbre saga commencée en 1976, un huitième volet est sorti en 2018. N’en déplaise à Peter Schiff, il reste encore de la marge pour que les QE atteignent ce record, comme illustré dans le graphique ci-après.

Conséquences positives

Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, reprenant l’évolution du marché actions américain, la hausse des dix dernières années a été accompagnée par des interventions régulières de la FED. Les autres banques centrales ont également largement contribué par leurs propres interventions.

Beaucoup ont critiqué et critiquent encore les interventions des banques centrales, que ce soit en raison des taux maintenus artificiellement bas ou des injections monétaires au travers de programmes QE ou tout autre terme utilisé. Les économistes les plus critiques craignaient que l’inflation des bilans des banques centrales, par des ajouts continus de nouvelles unités monétaires décidées arbitrairement par ces instituts monétaires, ne finisse par créer une inflation importante des prix dans l’économie réelle. Certains imaginant même une hyper inflation. Malgré quelques querelles d’économistes sur la façon dont sont calculés les indices des prix, tous s’accordent à dire que le niveau général de ces derniers ne s’est pas accéléré de manière disproportionnée.

Au bout de 10 ans de ces politiques non conventionnelles, aucun problème majeur ne semble être apparu. Les marchés actions sont à des plus hauts historiques et la situation économique est, malgré quelques bémols, à priori en relativement bonne situation un peu partout dans le Monde.

Conséquences négatives

La hausse des marchés et la relativement bonne tenue de la situation économique durant la décennie écoulée, permise en partie par l’intervention des banques centrales, ont coûté cher et se sont faites à crédit.

Prenons par exemple, et comme proxi, les États-Unis, bien que cela puisse en réalité s’appliquer à la plupart des autres États. Entre mars 2009 et décembre 2018, le Produit intérieur brut (PIB) nominal américain est passé d’USD 16’457,29 milliards à USD 20’506,26 milliards, soit une hausse 24,6%. Durant la même période, la dette fédérale américaine est passée d’USD 12’721,43 à USD 21’596,14 milliards, soit une hausse de 69,8%. Plus de dettes ont été émises que de croissance économique obtenue. Ce phénomène ne concerne néanmoins pas que les pays développés, la Chine par exemple a également fortement augmenté son endettement ces dernières années.

La hausse massive de la dette, et sa soutenabilité, ont été rendus possibles par la compression toujours plus importante des taux d’intérêt, que ce soit par la baisse régulière du taux directeur ou par des interventions directes sur le marché par le biais des QE. À fin mars 2019, environ USD 10’000 milliards (équivalents USD en toutes devises confondues) de dettes dans le Monde se traite avec un rendement à échéance négatif. En toute objectivité, cela paraît totalement absurde, mais c’est en partie le résultat de 10 ans de croissance économique financée de manière exponentielle à crédit.

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