« Nous avons parlé d’inflation, inflation, inflation. »
Petit à petit, le narratif d’une hausse de l’inflation de courte durée, qui serait simplement due au redémarrage de l’économie post-Covid, est en train de changer. La dernière en date à admettre s’être trompée est Christine Lagarde, actuelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE). En effet, ces derniers mois, Madame Lagarde, à l’instar d’autres, officiels, de divers instituts financiers n’ont pas cessé de répéter que les taux d’inflation, qui n’arrêtaient pas de monter mois après mois, allaient rapidement redescendre. Mais lors de la conférence de presse, suivant la réunion de la BCE fin octobre, elle a indiqué que l’inflation restera élevée pour plus longtemps qu’initialement anticipé, probable-ment jusqu’à fin 2022. Dans la mesure où en 2020, elle avait déjà indiqué que l’inflation devrait se résorber à fin 2021, on se réjouit de voir ce qu’elle dira en 2022.
Cependant, Madame Lagarde estime que la poursuite de l’inflation n’a rien à avoir avec la politique monétaire de la BCE, en mentionnant tout un tas d’anecdotes qui expliqueraient la hausse de l’inflation, allant de la rupture des chaines d’approvisionnement, à la hausse de la TVA en Allemagne, en passant par la hausse des prix de l’énergie, sans bien sûr oublier la maintenant bien ancrée excuse de la reprise post-Covid. L’institut de Francfort va donc maintenir ses conditions monétaires ultra accommodantes pour encore quelque temps. Les taux d’intérêt réels devraient dès lors rester ancrés profondément en territoire négatif pour encore quelque temps. En effet, bien que les taux longs soient en train de petit à petit remonter un peu partout, ils restent encore très en dessous des taux d’inflation, que ce soit aux États-Unis ou en Europe.
Comme déjà mentionné dans notre commentaire mensuel de septembre, la hausse des prix est pour le moment la plus spectaculaire dans l’énergie. Si bien que l’on commence clairement à parler de crise énergétique alors que l’hiver arrive aux États-Unis et en Europe. Plusieurs États ont déjà commencé à prendre des mesures dans le but affiché d’aider leurs citoyens à faire face aux massives hausses des prix. Certains pays ont ainsi décidé, à l’instar de l’Espagne, d’abaisser temporairement le taux de TVA sur l’énergie. Tandis que d’autres, à l’instar de la France, ont décidé de donner des subventions. En effet, le gouvernement a indiqué que tous les Français gagnant moins d’EUR 2’000.- par mois se verront octroyer un « chèque énergie » d’EUR 100.- d’ici la fin de l’année.
Sur le papier, ces décisions semblent clairement louables, car les gens commencent à être désespérés tant les hausses de prix sont importantes. Mais cela ne fera qu’exacerber le problème puisque cela n’incitera pas les gens à rationner leur consommation énergétique, qui serait une des solutions pour enrayer les hausses massives des prix.
Difficile également de ne pas y voir une totale contradiction avec la Conférence sur le climat, qui se tient du 31 octobre au 12 novembre à Glasgow. Subventionner, et donc encourager, la consommation énergétique est en totale contradic-tion avec les objectifs que veulent se fixer les États d’une réduction des émissions CO2.
Aux États-Unis, où ils n’ont pas la gâchette subventionniste aussi facile, le président américain Joe Biden en est réduit à presque supplier le cartel de l’OPEP d’augmenter ses quotas de production plus rapidement. Plusieurs voix au sein de l’organisation, notamment du côté de l’Arabie saoudite, lui ont indiqué une fin de non-recevoir. Ils estiment que l’actuelle trajectoire de hausse de la production, décidée en juillet 2021, qui consiste à augmenter la production de 400’000 barils/jours chaque mois jusqu’en septembre 2022, est suffisante.
Il est assez cocasse que le gouvernement Biden, qui a bloqué la construction d’un pipeline permettant d’exporter la production pétrolière de son voisin canadien aux États-Unis, pour cause d’écologie, supplie l’OPEP d’augmenter sa production plus rapidement. En effet, les pipelines sont le moyen le moins dangereux (pas de risque de marée noire notamment) et le moins énergivore pour transporter le précieux liquide noir.
Dans son dernier rapport sur l’économie mondiale, publié début octobre, le Fonds monétaire international (FMI) s’inquiète de la hausse continue de l’inflation et estime que cela réduira le potentiel de croissance mondial. Même son de cloche du côté du gouvernement allemand, qui a réduit sa prévision de croissance du PIB 2021 (qui passe de 3,5% à 2,6%), en citant la hausse des prix de l’énergie comme principale raison.
Du côté des entreprises, c’est le même constat. Dernière en date à s’en inquiéter, McDonald’s a indiqué que le prix de son fameux BigMac va une nouvelle fois devoir être augmenté afin de faire face aux importantes hausses de coûts qu’ils subissent. Le CEO de la célèbre chaine de restauration rapide ne semble pas penser que les hausses de coûts soient sur le point de s’arrêter et parle désormais de « bombe à retardement de l’inflation » aux États-Unis. Et il ne cite pas uniquement les prix de l’énergie, mais également les salaires ainsi que les prix des denrées alimentaires composant les divers menus de la chaine.
Pour le moment, ces différents éléments ne semblent pas inquiéter les marchés actions, avec une nouvelle hausse de 3,18% (en CHF) de l’indice des actions mondiales (MSCI All countries Index) sur le mois écoulé. En revanche, les cours obligataires ont dévissé, avec une baisse des obligations internationales (FTSE World Government Bond Index) de 2,45% (en CHF) en octobre.
Dans ce contexte, les prix actuels de l’or (en légère baisse de 0,37% en CHF sur octobre), qui n’ont pas encore réagi au progressif changement de narratif concernant l’inflation, devraient être vus comme un cadeau offert par les Dieux des marchés financiers pour s’exposer au métal jaune à un coût relativement bas. Pour l’anecdote, Newmont Mining, qui est le plus grand exploitant d’or au Monde a annoncé des bénéfices en baisse sur le 3ème trimestre 2021… pour cause d’inflation des coûts d’extraction ! Les producteurs d’or victime de l’inflation, on croit rêver. On pourrait donc en déduire que les cours de l’or ont potentiellement un important rattrapage à faire pour compenser les taux d’inflation qui se sont déjà produits, sans parler de ceux à venir. Contrairement aux obligations, qui continuent à s’échanger à des taux très nettement en dessous des taux d’inflation.